Inspirations & univers : Ceux des limbes

Deuxième article dans la catégorie « Inspirations & univers » : cette fois, c’est au tour de Ceux des limbes !

La forêt (1) est un élément clé du roman, un personnage à part entière. J’ai toujours aimé les livres où forêt et nature occupent une place importante. Parmi les lectures qui m’ont beaucoup marquées ces dernières années, beaucoup relèvent de ce courant : Dans la forêt, de Jean Hegland (2) ; My absolute darling, de Gabriel Tallent ; Sukkwan Island, de David Vann… La plupart de ces livres parlent de survie de l’homme dans la nature, de la manière dont il se transforme à son contact. Avec Ceux des limbes, je voulais vraiment explorer cette veine. C’est drôle, d’ailleurs, car autant les descriptions m’ennuient d’ordinaire (qu’il s’agisse de lieux ou de personnage, et de lecture comme d’écriture), autant je pourrais en lire cent pages quand il s’agit de forêts. Bref, il me fallait une forêt vivante, bruissante, aussi belle et mystérieuse que dangereuse. Elle est la liberté loin des murs, l’absence de règles et de contraintes – avec tous les risques que cela présuppose. Le roman ne livre aucune indication d’ordre géographique, mais lorsque je l’ai écrit, c’est à une forêt d’inspiration sud-américaine, presque une jungle, que je pensais. Dans mon esprit, le Mont-Survie, quant à lui, ressemble à une sorte d’énorme pyramide maya.

Par ricochet, il y a une certaine esthétique post-apocalyptique (2) dans le roman. Je suis fascinée par les images de villes où la nature a repris ses droits. J’avais déjà exploré cette idée dans Dresseur de fantômes puis Vagabonds des airs, avec d’immenses cités aériennes désertées par les hommes après la disparition de l’électricité. Les arbres qui recouvrent les bâtiments en ruine, les fleurs qui éclosent sur les gravats, les animaux re-colonisant ces espaces… Je peaufine beaucoup ces descriptions, pour les rendre aussi visuelles que possible. Je garde des souvenirs très marquants de certaines scènes de jeux vidéos, de films ou de séries, souvent reliées à des histoires de zombies (The Last of us (3), Je suis une légende (4), The walking dead). Je m’appuie aussi sur des images de lieux « fantômes » existants, qu’il s’agisse de villes – Pripyat (5), Ha-shima -, ou autres, photos d’urbex notamment (parcs d’attraction, hôpitaux, théâtres abandonnés…).

Les limbes, autres personnages essentiels du roman, représentent ma version du zombie. Dans cet univers, c’est un champignon parasite qui est à l’origine du cataclysme, ce qui m’a été inspiré par un exemple réel tout à fait inquiétant : le cordyceps, un champignon qui s’attaque aux fourmis et les transforme en zombies. Ce terme n’est sûrement pas inconnu aux passionnés de zombies, le jeu The Last of Us ou le roman Celle qui avait tous les dons s’appuient aussi dessus. Le limbe, c’est  un être piégé dans un état intermédiaire, ni vivant, ni mort, entre les deux. Vous reconnaîtrez sans doute là un de mes thèmes fétiches – la relation à la mort. Pour moi, Ceux des limbes était encore un moyen de réfléchir à ce sujet. Bien plus tard, je me suis aperçue qu’un deuxième thème clé s’était glissé dans le roman : celui de la mémoire. Il y a un lien entre les deux, évidemment. Les souvenirs qu’on garde, les traces qu’on laisse, la peur d’être oublié… Les limbes incarnent ces deux thèmes à la fois : aucune trace de ce qu’ils ont été ne subsiste, et en les privant de leur mémoire, le champignon signe la mort de leur être.

Voilà, c’est tout pour cette fois ! 

From 2018 to 2019

Chers lecteurs, 

Je profite de ce billet pour vous souhaiter une excellente année 2019, pleine de joie et de bons livres (s’il s’agit des miens, c’est encore mieux, évidemment) !

C’est l’heure du bilan, et force est de constater que 2018 a été une drôle d’année pour moi. Pas un grand cru d’écriture, mais franchement, est-ce que c’est grave ? Il y a des fois où la vie semble trop intéressante, ou trop entraînante, pour qu’on ne s’y consacre pas à plein temps, alors je ne vais certainement pas m’en plaindre. Et puis, si le terme écriture se rapporte à l’action physique, au geste, je crois qu’il ne faut pas s’y arrêter : écrire, ce n’est pas juste se planter devant son ordinateur pour aligner des pages ; c’est aussi respirer, engranger des idées, les laisser se mélanger, se transformer, grandir. Et clairement, 2018 était plutôt dans cette veine.

Le bilan écriture…

J’avais dû voir venir le trou d’air, car la liste des objectifs que je m’étais fixée en début d’année n’était pas énorme : 

1. Écrire le premier tome des Mystères d’Aurora : OK.

Cela m’aura pris presque six mois, ce qui est beaucoup pour un texte de 150 000 pages, mais il me manquait un truc. Une atmosphère, en fait : je m’en suis rendue compte en retournant à Edimbourg, une ville qui m’est très chère et où j’ai vécu un an pendant mes études. J’avais oublié à quel point Edimbourg est chargée d’âme et de magie. Il m’a suffi de marcher dans ses vieilles rues pavées, entre le soleil et les averses de neige, pour m’en rappeler et comprendre qu’Aurora, la ville de mon roman, en était un avatar. Franchement, je ne sais pas ce qui adviendra de ce roman – j’ai traîné à le proposer à des éditeurs, et il est à présent en lecture ici et là.

Edimbourg

 

2. Terminer un gros roman post-apo qui traînait dans mes tiroirs depuis des années : Pas OK.

Trop ambitieux, celui-là. Je me replonge doucement dans ce roman (qui s’appelle pour l’instant « Pas du tout »), mais c’est une tâche de longue haleine. Retrouver les personnages et puis s’apercevoir qu’ils ne vont pas, qu’on ne les a pas encore tout à fait compris. Y réfléchir, les laisser prendre un peu d’ampleur en arrière-plan (allez savoir pourquoi, j’ai en tête l’image des feuilles de thé séchées qui se déploient tout doucement dans l’eau chaude – voilà, mes personnages sont en cours de déploiement). Je m’aperçois que j’ai envie d’être plus ambitieuse pour ce roman, et l’ambition, ça prend du temps.

Et puis, pour complexifier le tout, il y a cette petite musique pas très agréable qui résonne dans mon esprit : je vais encore arriver trop tard. Ben oui, je suis lente, alors mes idées mettent toujours des plombes à devenir des livres ! J’avais déjà eu cette impression avec « Ceux des limbes » (un roman de zombies qui arrive deux ans après la vague zombies ?) Cette fois, c’est une histoire de fin du monde… Vous voyez ce que je veux dire ?

Mais je n’abandonne pas pour autant, ce sera même le seul et unique objectif que je me fixe pour 2019.

3. Les à-côtés

Comme je l’avais prévu en 2017, d’autres chemins se sont ouverts à côté de ces deux projets. J’ai ainsi eu l’opportunité de reprendre un texte que j’avais écrit et publié en 2010, pour en faire un roman tout neuf. Ce roman, c’est « 21 printemps comme un million d’années« . Il sera dans quelques jours en librairie et vous ne pouvez pas savoir comme j’en suis heureuse.

Quand je publie un roman, il passe automatiquement en statut « terminé » pour moi : je l’oublie, je passe à autre chose, et je n’y repense quasiment jamais. Mais lui, c’était différent. Il est resté coincé dans un coin de mon esprit pendant des années, incomplet et pourtant terriblement prometteur.  Pouvoir le réécrire a été une belle expérience, comme un moyen de renouer avec la Camille de 2010 et de la relier à celle de 2018 (et il y avait de la marge, entre l’étudiante de 22 ans et la trentenaire !) 

… Et le reste 

À un niveau plus personnel, 2018 aura été une année de défi et de voyages. En vrac : je suis devenue végétarienne, je me suis davantage consacrée à mon compte Instagram et à la photo, j’ai accepté de prendre un nouveau poste, loin de ma zone de confort.

J’ai beaucoup bougé : Edimbourg bien sûr, les cotes grecques en voilier, Rome sous la lumière d’août, Barcelone pour écrire au calme, Lausanne et Genève pour le prix RTS Ados, et enfin, un road trip de trois semaines entre les côtes californiennes et les grands parcs de l’Arizona et de l’Utah.

Rendez-vous dans quelques jours pour mes objectifs 2019 !

 

 

Inspirations & univers : la Maison des Reflets

De toutes les questions sur l’on me pose sur l’écriture, celle de l’inspiration est la plus fréquente. Or, ce n’est jamais facile d’y répondre. L’inspiration, c’est un millier de petites influences que l’on enregistre sans s’en rendre compte, et qui se télescopent un beau jour pour faire surgir une idée – parfois complètement improbable. Il y a les livres que l’on lit, les films et les séries, les jeux vidéos, les conversations… Parfois c’est un prénom, ou un simple mot, qui agit comme un déclic.

Il y a l’inspiration d’avant le livre, quand on imagine, quand on construit. Il y a aussi l’inspiration pendant le livre, quand on corrige et qu’on réarrange. Et même celle d’après, une fois le livre terminé : quand on voit apparaître, un peu partout, des points de convergence avec son histoire.

Ça fait un moment que je caressais l’idée de faire des petits pinboards pour mes livres, qui mélangerait tout ça. Et bien en voici un premier autour de la Maison des reflets !

Le thème principal de la Maison des reflets, c’est bien sûr la mort et le deuil, avec en filigrane celui des illusions que l’on défait pour grandir ou évoluer. Cela me suffirait à établir un lien avec The Leftovers (1), incroyable série où l’on suit le quotidien d’une famille dans un monde où 1% de la population a brutalement disparu. Comment continuer à avancer, comment trouver la paix, quand ceux que l’on aime ne sont plus là ? Quand on ne sait pas où ils sont ? J’ai commencé à regarder The Leftovers alors que le premier jet de la Maison des reflets était terminé. Impossible de vous dire pourquoi, mais pour moi cette série, ce n’était pas un coup de coeur, c’est un coup au coeur : elle m’a remuée, renversée comme aucune autre ne l’avait fait jusqu’alors. Elle m’a accompagnée tout au long des corrections, des relectures, et j’y ai souvent pensé lors des discussions autour du roman. Quant à sa BO, elle reste aujourd’hui ma bande son préférée pour écrire (je crois que j’en suis à 3 romans écrits dessus !).

Blackmirror (2) est une série que j’ai mis longtemps à accepter de regarder – la faute à un premier épisode qui m’a mise tellement mal à l’aise que je n’avais aucune envie de continuer. Mais on n’arrêtait pas de me dire de regarder « Be right back », le premier épisode de la deuxième saison, et de me demander si je n’avais pas louché dessus avant d’écrire la Maison des reflets (ce qui était un peu vexant). J’ai fini par regarder, et cet épisode partage effectivement les mêmes questionnements sur la technologie comme accompagnement du deuil. L’idée à la base de la Maison des reflets, cependant, vient de cette info : Facebook est en train de devenir un cimetière virtuel mondial. 

Je fais toujours très attention au décor de mes livres. J’aime qu’il y ait des lieux particulièrement visuels, avec un côté « émerveillement »… et chance, ça colle très bien avec l’une de mes obsessions : le cirque et la fête foraine (3) ! (Il est d’ailleurs probable que je leur consacre un prochain pinboard !) J’essaie de les mettre absolument partout : le cirque aérien dans Dresseur de fantômes et Vagabonds des airs, le chapiteau de Monsieur Méphisto dans le deuxième tome du Club des métamorphes, la fête foraine futuriste de Dans la peau de Sam… Et bien sûr, celle de la Maison des reflets. Pour ce roman-là, les connexions allaient au-delà du simple décor, des lumières et des paillettes : la grande roue est un symbole cyclique, la montée puis la descente, la vie puis la mort ; tandis que le Palais des glaces me permettait de faire un parallèle avec la Maison Edelweiss et ses reflets.

A bientôt !

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